C’est vrai que quand on regarde la totalité des modèles Zo&Më, une écrasante majorité a une surface martelée. Et je vous jure que pourtant à chaque nouveau prototype je me dis, “aller celui-ci on va le faire lisse, il sera beau dans la simplicité de sa surface”. Et puis quand vient l’étape du polissage…impossible. La surface lisse m’ennuie au plus haut point. Et sur le mur de mon atelier je l’entends, il m’appelle, mon petit marteau qui me murmure qu’avec un peu de texture il prendrait une toute autre dimension. Fatalement je craque. Et j’adore ça. Je ne suis jamais déçue du résultat, il n’y a rien à faire.

La semaine dernière j’en étais justement à cette étape pour de nouveaux prototypes, et je me suis à nouveau fait la réflexion, “d’où diable est-ce que ça te vient cette compulsion du marteau, cette hantise des surface lisses?”. Et puis pendant une insomnie (merci l’enfant) parmi tant d’autres, je me suis souvenue d’un épisode. On va parler un peu histoire de cœur. Je vais la faire courte, c’est juste amusant de faire le parallèle.
Il y a fort longtemps (oui car je suis très vieille ^^) j’avais un amoureux qui était aussi un ami d’enfance. Bref, un jour il m’appelle pour me dire qu’il souhaite mettre un terme à notre relation. Bien sûr je suis peinée mais rien de dramatique non plus. Par contre ce qu’il va me dire, en toute amitié d’ailleurs, va finalement vraiment me marquer pour que je m’en souvienne encore aujourd’hui. Il m’a dit que j’étais super (ahah qui ne l’a pas entendue un jour cette phrase) mais qu’en fait je voulais trop faire plaisir à tout le monde et que je n’osais jamais m’imposer, donner mon avis, faire entendre mes convictions. Et que c’était dommage parce qu’au fond il savait bien que j’avais un avis sur tout un tas de choses. Et il a prononcé cette phrase que j’ai trouvé hyper dure à l’époque. “Tu sais les surfaces lisses, c’est ennuyeux, il n’y a rien qui permette de s’accrocher…”.
Outch.
Touché.
Le fait est que c’est vrai. Dur mais vrai.
Et je m’aperçois qu’encore maintenant j’ai cette phrase qui résonne quand je n’ose pas dire non à quelqu’un, quand je ne veux pas peiner ou imposer ma vision trop fort.
Et finalement c’est pareil avec mes bijoux.
Si je les laissent lisses, je trouve qu’ils reflètent moins bien la lumière, qu’ils attirent moins l’œil, que ce n’est pas là leur vérité. Vous allez me prendre pour une perchée qui fait sa thérapie par le bijou lol (cela dit c’est une idée de concept!). Mais finalement je trouve que mes petits bijoux révèlent vraiment leur identité propre par le martelage. Parce que bien sûr je ne taperai jamais de la même façon sur chacun, ils ont tous la même forme mais sont différents par les coups de marteaux. Comme une empreinte digitale finalement.
ça vous parle ?

L’ironie c’est aussi que le seul modèle lisse que j’ai fait est le modèle Reflet qui représente la chaîne du Mont-Blanc se reflétant dans un lac de montagne. Et ce sont justement là “ses montagnes” puisqu’il était de la Yaute comme moi. Je dis était car cet ami nous a quitté accidentellement il y a deux ans maintenant. Je lui envoie une petite pensée car même si je ne lui attribue pas le mérite de m’avoir orientée au niveau de mon travail, je me dis que peut-être à sa manière il a un peu participé au fait de plus oser être moi.
Et quel joli cadeau finalement n’est-ce pas ?