Nous voilà donc en 2019. Je suis enceinte, passé les 3 premiers mois ça se passe plutôt bien. Je termine la collection avec un bidon énorme et en pleine canicule. Ce qui me vaut de préférer venir travailler à la cave de la maison que nous avons achetée bien que tout soit en travaux, au moins je suis au frais ! Je fais aussi un peu de paddle et du sup yoga jusqu’à la veille de mon accouchement. J’essaie de m’organiser au mieux pour être “prête” quand bébé sera là.
Je tiens quand même à revenir sur un dernier point concernant le sujet grossesse qui peut intéresser les entrepreneuses. Attention à votre CA pour vos indemnités. J’ai été mal renseignée en début de grossesse par 2 entités différentes qui m’ont assurées que j’aurai le taux plein, soit 55,5€ par jour de congé mat et les primes au 7e mois et à la naissance. Au final je n’aurai que 10% de cette somme. Pourtant j’ai cotisé les 3 années avant puisque j’étais embauchée, mais allez savoir pourquoi (c’est un flou intersidéral pour avoir une explication claire évidemment), mais ils ont jugé que mon CA était insuffisant. Pour le coup c’est sûr qu’en étant immatriculée que depuis le mois d ‘octobre je ne risquais pas d’exploser les plafonds, encore moins après l’abattement de 70% et des poussières qu’ils font sur la somme finale. Je vous passe les détails mais voilà, si vous êtes dans mon cas il faudra composer en touchant 5,55€/jour durant votre congé maternité…Ceci explique pourquoi nombre de femmes à leur compte reprennent le travail quasiment dès la naissance, oubliant complètement de se chouchouter durant le fameux mois d’or qui suit un accouchement. Bref. Mon petit garçon est arrivé avec un mois d’avance mais il allait bien, c’est là le principal.

N’oublions pas que j’espérais aussi ouvrir Potamo’ en mai, projet repoussé en novembre finalement puisque avec un nouveau né ça paraissait compliqué et les travaux avaient pris un peu de retard. Potamo’, c’est un lieu que j’ai imaginé comme un cocon. Cocon déjà pour moi en y prévoyant mon atelier. Créer dans ce local avec cette vue sur la rivière Tarn, beaucoup de gens qui sont venus vous diront que c’est le pied. Un cocon aussi pour les autres créateurs. En effet l’espace est grand, je ne me voyais pas remplir l’espace seule d’une part, mais aussi le faire seule. J’avais vraiment envie d’exposer les savoir-faire locaux, en orientant la sélection sur l’artisanat, l’artisanat d’art aussi, les choses faîtes avec passion, patience, amour du métier et des matières nobles. Un point essentiel était aussi l’éco-responsabilité, que ce soit dans la philosophie de la marque, dans la façon de travailler, dans le choix des matières…C’est un axe qui, à mon sens, ne peut plus être mis de côté, et ce dans n’importe quel projet. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons choisi des peintures bio-sourcées, et que le bois brut est partout, essentiellement avec de la récup de palettes, de meubles chinés à Emmaüs etc. Certains présentoirs sont neufs faute de les avoir trouvé en brocante, mais on a vraiment fait notre maximum pour respecter cette notion de Nature et de responsabilité envers la planète. Et avec un tel écrin ouvert sur le Tarn je pense qu’on n’avait pas le droit de faire autrement, ne serait-ce que par respect pour cette vue incroyable.
L’ouverture était prévu pour fin novembre. J’ai donc dû m’occuper de la décoration, de la sélection des créateurs, de toute la gestion qui va avec, en même temps que je m’occupais de mon tout petit. Honnêtement je n’ai pas grand chose à dire sur cette période parce que je n’en ai aucun souvenir. Je devais être bien trop fatiguée pour être consciente de ce qu’il se passait. Je me souviens en revanche de l’inauguration. C’était la période d’avant, celle où on ne parlait pas de masque, de virus, celle où on pouvait s’embrasser et tenir à plus de 50 dans le local. Et c’était vraiment une chouette soirée.
Depuis Potamo’ est devenu une association qui rassemble un joli petit nombre de créateurs, et je suis vraiment heureuse de voir la tournure que ça prend. Nous continuons d’exposer une vingtaine de créateurs par session, nous proposons des ateliers créatifs pour venir découvrir certains savoir-faire, nous avons commencé des cours de yoga qui j’espère pourrons se poursuivre à la rentrée, et nous offrons aussi un espace de co-working où les créateurs en besoin d’échange ou de changement d’air sont les bienvenus. De plus en plus de visiteurs nous rendent visite, toujours au rendez-vous malgré la situation sanitaire et les nombreuses fermetures. Espérons qu’à partir de septembre on puisse dire qu’on est là pour de bon ! J’ai souvent ouvert avec bébé lorsqu’il tenait encore en place dans son petit transat ou dans mes bras. Les clients l’ont vu grandir et je trouve ça hyper émouvant. Maintenant il court partout et leur parle, c’est fou.

Et depuis j’ai envie de vous dire que la vie est passée dans la moulinette du temps, je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais subitement nous sommes 2 ans plus tard. Nous avons eu plusieurs confinements, j’ai continué de créer de nouvelles collections de bijoux tout en allaitant, je dois avouer que mon cerveau a buggé je n’ai plus les idées claires sur tout ce que j’ai fait en 2020. Je me souviens avoir dû demander de l’aide (merci la famille), avoir été très fatiguée, avoir eu l’impression que je n’y arriverai jamais. Me demander comment j’allai pouvoir continuer la création maintenant qu’un petit humain dépendait de moi et me prenait tout mon temps. J’ai beaucoup douté, me suis accrochée, ai eu envie de tout lâcher des centaines de fois.
Contre toute attente mon bilan 2020 est plutôt bon, bien meilleur que ce que ce que je pensais. Alors je repars pour continuer comme ça en 2021. Et puis re-confinement. Et puis épuisement global. Le monde des créateurs a été cette fois je crois vraiment touché. Nos client.e.s sont blasé.e.s, déprimé.e.s, ils achètent moins de créations et de long mois de doutes s’installent. En juin je suis, je crois, très proche du burn out. Je décide que soit je trouve d’autres créatrices qui ont envie de s’investir autant que moi dans Potamo’ et donc me soulager dans mon emploi du temps, soit j’arrête. Quand on y pense je ne sais pas comment j’ai fait. Déjà tenir une marque et les 1000 casquettes qui vont avec, c’est pas simple (créa, production, gestion des stocks, compta, réseaux sociaux, shooting, sav, site etc…). Multipliez ça par deux avec la gestion de Potamo’, ajoutez-y un enfant dans ses premières années de vie, qui est gardé à la maison (et donc gestion des siestes-couches-tétées-pleurs-temps d ‘éveil etc…), et vous me retrouvez presque 2ans plus tard en juin. Carpette. Lessivée comme jamais.
Cet épisode passé proche de la catastrophe m’a quand même apporté plusieurs choses très positives. Déjà il m’a permis de cerner que le plus important pour moi malgré tout c’était mon bébé, ma famile. Ca parait bête mais ce n’est pas le constat que tout le monde aurait fait. J’ai préféré faire moins pour mon entreprise et privilégier ma famille pour un temps, car je le sais, ce temps passe vite. Il ira très bientôt à l’école, à l’université ou que sais-je. Et je serai pour toujours heureuse de ces souvenirs qu’on se construit. Ensuite j’ai vraiment compris cet adage “seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”. J’arrive à tout faire seule, j’arrive à gérer et être efficace. Mais à quel prix ? Et au final il y aura toujours une limite que mes capacités m’empêcheront de dépasser. Du coup j’ai accepter avoir besoin d’aide, j’ai accepter déléguer, faire de la place à d’autres, prendre leurs remarques en considération pour qu’ensemble on aille plus loin avec Potamo’ et nos marques respectives. Un gros big up à Aurore de Ninoucou et à Morgane de Mythologiae qui sont mes anges gardiens sans qui j’aurais vraiment tout lâché. Une infinie gratitude envers ces deux créatrices brillantes et passionnées, je leur souhaite tant de belles choses. Je vous invite d’ailleurs à aller voir leurs créations si vous ne les connaissez pas déjà !

Tout ça pour dire qu’accepter notre défaillance, nos limites c’est parfois compliqué, ça demande un vrai travail sur soi. Mais au final c’est pour le meilleur. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide quand on en a besoin. Facile à dire, c’est sûr. Même si sur le moment ça vous paraît impensable, que vous êtes trop fier ou timide. Stop. On y va et on avance. Je ne regrette pas du tout mes errances, je ne regrette pas du tout mon épuisement, je ne regrette pas d’avoir été têtue pour ensuite avouer être proche de l’échec. Tout ça fait avancer. L’échec fait avancer. Et qui ne tente rien n’a rien mais aussi ne rate rien. Alors soyez fier quand vous avez raté quelque chose, ça signifie que vous avez essayé et ça c’est vraiment courageux !