Après avoir obtenu mon Bachelor Design Produit, me voilà donc sur le marché du travail. Je trouve un job d’été dans un centre équestre. Au passage une de mes plus belles expériences jusqu’ici. J’ai tellement aimé avoir un travail physique où je devais sans arrêt bouger, où j’avais fini par créer une vraie relation complice avec les chevaux. Cet été là une offre d’emploi sort pour une marque de sport dont les bureaux techniques sont à 5 minutes de chez moi. Sans grande conviction je postule, et je suis prise ! Je me retrouve donc à la rentrée avec un emploi de designer textile junior. Moi qui n’y connais rien (encore une fois) en stylisme, je me retrouve au département chaussettes et coiffants. Une expérience très intéressante qui m’a fait réaliser beaucoup de choses. La première c’est que je ne me sens pas bien du tout dans une grande structure. On était là dans une organisation type grand groupe avec des réunions dans des salles de spectacles immenses pour se féliciter des ventes département par département, avec prix remis au designer dont les produits avaient le mieux marchés, feux d’artifices et compagnie…Pour beaucoup de gens ça doit être très sympa mais alors moi comment vous dire…Je suis quelqu’un qui bosse vite et bien, mais dans mon coin, alors devoir cadrer dans un groupe comme ça où la première question qu’on te pose c’est « et toi tu fais quel sport dans la vie ? » alors que je faisais juste du ski de pistes l’hiver et du yoga, quand les autres faisaient des expéditions, de la haute montagne et tutti quanti…Je me sentais un peu ovni, j’avais du mal à trouver ma place dans l’équipe. Malgré tout comme je travaillais plutôt bien, on a fini par me proposer le saint graal, un CDI. Un poste de designer textile junior, à la sortie des études, j’étais la seule de ma classe à l’époque à avoir trouvé cette opportunité si vite. Et devinez ce que j’ai répondu ?

Merci mais non merci.

En vrai quand on me l’a proposé j’ai tout à coup eu le sentiment d’étouffer, que je n’allais plus jamais bouger de là et que j’allais finir ma vie à me sentir pas à ma place au milieu de tout un tas de gens cool et sportifs que je mettais un peu sur un pied d’estale, il faut bien le dire. Et puis honnêtement, je voulais créer des objets, pas des vêtements. Pour le coup je ne me sentais pas légitime du tout. Donc ma première réponse a été de demander un poste au département design produits. Mais il n’y avait pas de place.

Du coup j’ai dit non.

Et j’ai pris un billet d’avion pour Bali avec pour seule certitude la date de retour qui se ferait un mois après le départ.

Et comme personne ne se motivait pour partir avec moi, j’ai décidé de partir seule.

Je ne vais pas faire ma warrior, les trois premiers jours ont vraiment été difficiles à vivre. Mon copain de l’époque m’avait offert les deux premières nuits dans un super bel hôtel pour que j’ai un pied à terre en arrivant. Avec le décalage horaire je me retrouvais réveillée en pleine nuit à paniquer sur les jours à venir car je n’avais absolument rien prévu. J’ai même fini par appeler mes parents en larmes à 4h du mat en leur demandant pourquoi ils m’avaient laissée partir comme ça. Les pauvres. Ils ont vraiment dû s’inquiéter. Ce premier contact avec Bali ne m’a pas plu parce que les hôtels de luxe c’est beau, mais c’est vide d’échanges. Les gens se faisaient dorer la pilule du matin au soir, j’étais entourée d’européens, il n’y avait rien de traditionnel ou en lien avec les locaux dans ce coin. Bref pas du tout ce que j’avais imaginé. J’ai fini par prendre un taxi que j’ai payé un prix exorbitant puisque je ne savais pas encore la valeur des choses là-bas et j’osais encore moins négocier quoi que ce soit. Et j’ai atterris à Ubud. Bonheur. A l’époque c’était vraiment un petit village avec certes des magasins pour les occidentaux, mais aussi beaucoup de choses traditionnelles, des temples, des locaux, des cérémonies…J’ai adoré Ubud.
Un jour j’y ai pris un cours de bijouterie histoire d’apprendre les techniques locales. Ça a été très surprenant, c’était en gros les mêmes outils mais tenus de manière différente. Les mêmes techniques avec un angle d’approche différent et j’ai trouvé ça génial car ça m’a ouvert l’esprit sur plein de choses. Il n’y avait finalement pas qu’une seule façon de faire, comme il n’y pas une seule façon de penser. Ma collection Balimood est née lors de ce voyage, en tous cas les premiers motifs. Elle est complètement tordue et asymétrique, justement parce qu’avec mes aprioris d’occidentale je pensais coller mon motif sur la plaque comme on me l’avait appris, puis ensuite faire la découpe intérieure en suivant le même motif collé. En fin de compte j’ai juste pu découper la forme extérieure avant que mon professeur ne brule le dessin pour le faire disparaître de ma plaque. Bref. J’adore cette bague même si elle est complètement imparfaite. Elle symbolise tant de choses ne serait-ce que par la façon dont elle a vu le jour.

C’est aussi à Ubud que j’ai rencontré Audrey avec qui j’ai partagé pas mal de jours de voyage, dont la découverte des îles Gili, un vrai paradis sur terre en tous cas à l’époque. Je ne vais pas vous retracer le mois entier ça durerait des pages. Mais par contre ce mois-là restera gravé à jamais. Parce que un mois entier LIBRE, où on n’a aucune obligation de rien, ça peut faire peur au début mais en vrai, c’est un sacré luxe. Dormir, manger, danser, nager, rire, discuter, lire, découvrir, apprendre, écouter, rencontrer…Quand est-ce-que dans nos vies à 100 à l’heure on peut vraiment se le permettre ? J’ai pu nager avec des tortues, un rêve, j’ai fait mes premières plongées bouteilles, j’a dansé sur des plages jusqu’à ce que le soleil se lève, j’ai ri comme je n’avais pas ri depuis trop longtemps, j’ai eu aussi quelques petites frayeurs mais rien de bien méchant, j’ai rencontré des gens du monde entier dont je me souviens encore des prénoms tant ils m’ont marqués. Je suis encore en contact avec certains d’ailleurs (poke Audrey et Juanda). J’ai vu les deux plus beaux couchers de soleil de ma vie, toujours pas détrônés depuis. J’ai eu un véritable coup de cœur pour cette culture, ce peuple balinais, leurs paysages, leurs nourritures, leur philosophie, bref vous l’aurez compris je ne regrette absolument pas cette expérience et j’ai même versé ma petite larme au moment de décoller pour rentrer. Parce que j’étais consciente que cette parenthèse enchantée n’était qu’une parenthèse, et que j’allai retomber dans cette vie de fou qu’on mène en France.

Qu’est-ce-que j’allai faire de ma vie ? Comment ? Où ? Avec qui ? (Oui parce qu’entre temps mon cher et tendre de l’époque m’a largué par mail pour la petite anecdote ahah ). Autant de questions qu’on est tous amené à se poser un jour ou l’autre et que je me pose encore parfois. Mais de faire cette pause m’avait quand même apporté des réponses. La création m’appelait, les bijoux aussi. Le voyage et la perte de repère, c’était vraiment là où je me sentais libre, bien, et vivante alors que ça peut paniquer beaucoup de monde. Mettez moi dans un endroit inconnu où on parle une autre langue et je suis la plus heureuse. Je me sens comme Indiana Jones prête à décrypter les signes et indices que la vie m’envoie et à découvrir foule de nouvelles choses qui, je le sais, m’inspireront.
Vous pouvez peut-être mieux comprendre maintenant pourquoi j’aime tant la collection Balimood et pourquoi mes créations ont toujours une symbolique associée. Je pense que ce désir de sens est né là-bas, au milieu des rizières et des cocotiers.

Moralité de cet épisode, savoir écouter son intuition est une force. Se laisser guider par elle demande du courage, beaucoup de courage, mais quand on fait le premier pas on est très vite rassuré. Et surtout, quand tu n’écoutes pas l’univers, l’univers se met en quatre pour te faire comprendre les choses que tu dois intégrer. Ce sera le sujet du prochain article, rendez-vous lundi prochain !